Au moment où je vous écris ces lignes, je traverse en train le désert de Gobi ! Cette immensité de dunes ocres, qui s’étend entre la Mongolie et la Chine, constitue le point d’orgue du Transmongolien. Et juste avant de rejoindre Pékin, je revis avec vous ma semaine de rêve au milieu des steppes mongoles, auprès des familles de nomades et de leurs troupeaux…
Oulan Bator : la capitale, c’est pas mon fort
Arrivée au petit matin par le Transmongolien
Après avoir passé un excellent mois de septembre en Russie, j’ai rejoint la Mongolie en train. En ce tout début d’octobre, la saison touristique se terminait et les températures négatives commençaient à faire leur apparition… Il faisait donc bien frisquet lorsque je suis arrivée à Oulan Bator, capitale du pays, sur les coups de 6h50.
J’avais réservé un lit dans une excellente auberge de jeunesse, que je recommande à toute personne qui se rend à Oulan Bator : Golden Gobi. C’est l’adorable gérante, Ogie, qui est venue m’accueillir à la gare. Je suis montée dans le minibus de l’auberge avec d’autres voyageurs, dont je connaissais déjà la moitié pour les avoir croisés dans le train ou au bord du Baïkal… C’est drôle comme le trajet du Transsibérien et du Transmongolien est un tout petit monde ! On finit toujours par se recroiser, ou croiser des amis d’amis…
Exploration au cœur du béton
Après un excellent petit déj offert par l’auberge, je me suis reposée et j’ai exploré la ville avec mes (plus ou moins nouveaux) potes. Je vous le dis tout de go : Oulan Bator, c’est pas la folaï… Mélange de planification soviétique bétonnée et de pas de planification du tout, c’est un dédale d’immeubles gris truffé d’embouteillages. Un million et demi de personnes, c’est-à-dire la moitié de la population mongole, y vit entassée. Alors, un conseil si vous allez un jour en Mongolie : contentez-vous d’y passer un ou deux jours pour préparer votre voyage et… filez vers le désert ou vers les steppes !
Une semaine de trek en Mongolie centrale
Échappée vers les steppes…
Et c’est ce que j’ai fait 😉 Mon excellente auberge, dont je ne peux franchement que chanter les louanges, proposait différents « tours » pour explorer la Mongolie. L’un des plus populaires consiste à se rendre dans le sud du pays pour parcourir le fameux désert de Gobi, mais cela implique au moins deux journées « perdues » en voyage. Pour ma part, j’ai décidé de réserver un tour d’une semaine en Mongolie centrale, et pas une seconde je n’ai regretté ma décision ! Je le dis sans hésitation : j’y ai passé une des meilleures semaines de ma vie. Ouais, carrément.
… au cœur de la culture nomade
Le principe de ce tour était vraiment d’aller à la rencontre des familles nomades qui vivent dans la steppe. Nous nous sommes donc déplacés presque chaque jour, allant de famille en famille et dormant dans une de leurs yourtes traditionnelles. Celles-ci, soit dit en passant, sont d’ailleurs appelées « ger » en Mongolie… Le mot yourte est apparemment un terme venu d’Europe.
Si j’ai passé un aussi bon moment, c’est aussi parce que j’ai eu la chance de partir avec un groupe exceptionnellement sympa ! Il a d’ailleurs fluctué au cours de la semaine, car tout le monde n’avait pas réservé pour sept jours… Quand nous sommes partis d’Oulan Bator, il y avait là un Français, Antoine, qui faisait presque le même voyage que moi en Transsibérien ; « PJ », un Gallois vivant à Pékin qui, avec ses tatouages et ses piercings, semblait sortir tout droit du film Trainspotting ; et enfin, deux jeunes Russes vivant également à Pékin, Katya et Gleb. Que des gens super intéressants, super contents d’être là, et avec qui on s’est vraiment tapé des barres…
Première nuit sous la yourte : glaglagla
Une nuit sans lune au cri du loup…
Notre première nuit chez les nomades n’était pas piquée des vers ! Après une longue journée de route, nous nous sommes arrêtés au milieu d’un paysage presque désertique, où notre première famille d’hôtes avait installé son campement. Il se constituait de trois yourtes, ou gers, d’un enclos pour les bêtes et d’une mini-cabane pour les toilettes. L’une des yourtes avait été préparée spécialement pour nous et cinq lits en bois typiques nous y attendaient. La famille, qui élevait des moutons et des chèvres, était très sympathique mais ne parlait pas un mot d’anglais. Heureusement que Tsogo était là pour traduire 😉
Dès que le soleil est passé derrière les collines, le froid est tombé d’un coup. Cette nuit-là, les températures sont descendues jusqu’à -7°C… Après avoir dîné avec la famille d’une soupe de nouilles au mouton, nous nous sommes donc vite réfugiés dans notre yourte.
Le poêle à caca
Comme il n’y avait pas de forêt à des centaines de kilomètres à la ronde, la famille qui nous accueillait se chauffait au moyen traditionnel de bouses séchées. A nous d’entretenir le feu pendant la nuit… Au début, l’idée de nous chauffer au caca de vache nous a fait rire comme une bande de collégiens. Les jeux de mots à base d’excréments fusaient dans la yourte, et tout le monde se marrait bien. Cependant, on a beaucoup moins rigolé quand on s’est rendu compte que la bouse chauffait beaucoup moins bien que le bois, et que la température continuait à chuter…
C’est alors que nos amis Russes, Katya et Gleb, nous ont appris les règles du plus fameux des jeux de cartes russes : le « durak ». Cela signifie « idiot », et c’est le titre qu’on décerne au perdant… Nous nous sommes empressés de le renommer en « pooman » (homme à caca, hahahaha), décrétant que le perdant devrait s’extraire régulièrement de son sac de couchage pour alimenter le poêle en bouses séchées. C’est ainsi que le pauvre Gleb a été désigné Pooman du groupe. Une tâche dont il s’est d’ailleurs acquitté avec beaucoup d’efficacité et non moins de dignité…
Sur le chemin des toilettes : voie lactée et étoiles de givre
Globalement, ç’a été une nuit rock’n’roll pour tout le monde. Les loups ont hurlé toute la nuit et les aboiements rauques des chiens leur répondaient à intervalles réguliers. Je n’aurais jamais cru que me lever pour aller faire pipi serait une telle aventure… Je suis sortie vers les 3h30 du matin, alors que tout le monde dormait. L’absence de lune faisait que l’obscurité était totale, mais je distinguais parfaitement la voie lactée dans un ciel couvert d’étoiles.
Dans leur enclos proche mais invisible pour moi, les animaux, inquiétés par la proximité des loups, s’agitaient nerveusement. Transie de froid, brandissant mon portable allumé presque comme un bouclier, je marchais sur le sol couvert de givre dans la direction supposée des toilettes. Ceux-ci se trouvaient à environ 200 m – ça fait loin, dans le noir complet… Très vite, je n’ai même plus pu distinguer la yourte derrière moi. Lorsque le chien a de nouveau aboyé, je me suis imaginée entourée par les loups et me suis mise à courir à demi. Le sol pailleté se balançait à la lumière de mon portable, dont je constatais pour le première fois le peu de portée.
Quand j’ai enfin trouvé les trois planches en bois qui constituaient les toilettes, fermées de trois côtés mais ouvertes sur l’immensité de la steppe, une nouvelle peur s’est emparée de moi : laisser tomber mon portable dans le grand trou. Une certaine scène de Slumdog Millionnaire m’est également revenue à l’esprit… Mais je me suis bien appliquée et, mon affaire réglée, ai retrouvé la yourte sans encombre. Une fois glissée dans mon duvet encore chaud, j’ai savouré le calme de la yourte en sentant ralentir les battements de mon cœur…
Chameaux et dunes de sable au « mini-Gobi »
Pour notre deuxième jour, nous nous sommes rendus au « mini-Gobi », qui est littéralement un mini-désert rappelant le véritable Gobi. De quoi consoler les touristes qui, comme nous, n’ont pas pu aller voir les vraies dunes 😉 Au programme : promène-couillon à dos de chameau, une espèce particulièrement adaptée aux hivers rudes de la steppe mongole ! Je redoutais un peu le côté « attrape-touristes » de cette activité. Mais comme il n’y avait que nous et que le monsieur qui nous guidait était très gentil, j’ai finalement beaucoup apprécié cette balade.
Campement d’automne et chevaux sauvages
On envoie du bois !
Après cette charmante balade dans les dunes de sable, nous avons repris la route cahoteuse pour rejoindre une nouvelle famille de nomades. Cette étape, où nous avons passé deux nuits, a été ma préférée de tout le tour. Quand nous l’avons trouvée, la famille était en train de finir d’installer son campement d’automne entre deux rivières, dans un cirque de steppes partiellement entouré de forêts. Juste au-dessus des yourtes se dressait un promontoire rocheux surmonté d’un tas de pierres chamanique, d’où l’on avait une vue à 360° sur les environs. Le lieu était sublime… Après les deux jours passés là-bas, je ne voulais plus partir !
Galop dans la steppe
La famille qui nous a hébergés pour ces deux nuits élevait, entre autres, un troupeau de chevaux à moitié sauvages. Le lendemain de notre arrivée, nous avons donc passé presque toute la journée à parcourir a steppe à dos de cheval. Définitivement l’un des trucs les plus cools que j’aie jamais faits de ma vie…
Sur le chemin du temple
Après avoir quitté à regret la famille de cavaliers et leur magnifique campement, nous avons mis le cap au nord pour rejoindre notre prochaine étape. « PJ » le Gallois nous a quittés à ce moment-là, prenant un bus de 12h pour Oulan Bator, tandis que nous avons été rejoints par deux nouvelles recrues. Celles-ci se sont révélées tout aussi sympathiques et britanniques. Il s’agissait de Colin et Joey, deux Écossais à l’accent à couper au couteau. Eux aussi allaient à leur tour devenir nos très bons potes !
Ce jour-là, le temps était doux et, après un bon pic-nic au milieu d’un troupeau de yaks, nous sommes partis en rando.
Baies d’argousier pour les bébés
Après cette bonne rando, nous avons rejoint notre nouveau campement pour la nuit. La dame qui nous accueillait, elle-même guide et anglophone, était particulièrement gentille. En plus de ses occupations touristiques, elle avait acheté un lopin de terre où elle cultivait des baies d’argousier venues de Sibérie. Ce petit fruit orange, très populaire en Russie, pousse en effet très bien en Mongolie.
En Mongolie, les sources de vitamines sont très rares, car peu de plantes survivent aux hivers à -50°C. Notre hôte nous a ainsi expliqué que les baies d’argousier, très riches en vitamines, étaient distribués aux enfants dans les maternelles, qui étaient ses principaux clients.
Karakorum : sur les traces de Gengis Khan
Pour notre avant-dernière étape, Tsogo nous avait annoncé que nous allions « en ville ». Nous étions loin de nous imaginer qu’il faisait référence aux quatre murs dressés au lieu de la steppe que constituent les ruines de Karakorum, ancienne capitale mongole…
Une dernière journée riche en aventures
Trempette héroïque au lac Ogii
A Karakorum, nous avons dit au revoir à Katya et Gleb, non sans nous être promis de tous nous retrouver à Pékin pour un bon « hot pot ». Puis nous avons rejoint à quatre la dernière étape de notre fabuleux tour : le lac Ogii. Il ne restait plus qu’Antoine, les deux Écossais Colin et Joey, et moi.
Nous avons pris notre courage à deux mains et, malgré le vent mordant et l’eau glacée, nous sommes presque tous baignés dans le lac. Seul Gamba, notre chauffeur timide, ne s’y est pas risqué. L’eau était tellement froide que j’en criais de douleur !
A la chasse aux yourtes
Nous avons ensuite fait un bon pic-nic au bord de l’eau, puis Tsogo nous a joyeusement annoncé qu’il n’avait aucune idée d’où nous passerions notre dernière nuit. « On a du matos de camping, » nous a-t-il expliqué, « mais si vous voulez on peut essayer de se faire héberger par une famille nomade. Vous voulez tenter ? »
Nous avons évidemment répondu « ouiiiii !! », et c’est ainsi que nous sommes partis à la recherche d’un hébergement pour la nuit. Gamba, dont l’œil affûté repérait de loin les yourtes sur la steppe, quittait la route chaque fois qu’il en apercevait une. Seulement, la chance n’était pas de notre côté : malgré l’approche du soleil couchant, nous avons trouvé chaque yourte vide. Quand Tsogo a fait mine de monter sur une moto délaissée pour nous faire rire, il s’est fait courser par les deux gros chiens de la famille, pour notre plus grande hilarité. Après ce troisième échec, nous nous sommes résolus à installer nous-mêmes notre campement pour cette dernière nuit dans la steppe.
Dernière nuit : camping dans la steppe
L’hôtel « un million d’étoiles »
Nous nous sommes arrêtés en plein milieu de nulle part et, pendant que Tsogo nous concoctait un de ces bon repas chauds dont il avait le secret, nous avons monté les tentes. Le jour déclinait vite et à peine avions-nous fini de manger que le soleil disparaissait derrière l’horizon.
« Bienvenue dans mon hôtel un million d’étoiles ! » s’est exclamé Tsogo en nous désignant la steppe.
Gorki sous les étoiles
Grâce au temps magnifique qui nous a accompagnés toute cette semaine, nous avons encore eu droit à un ciel moucheté d’étoiles. Groupés autour de la petite table, frissonnant dans l’obscurité à peine percée par la lampe constituée d’un verre renversé sur mon portable allumé, nous avons ouvert quelques bouteilles pour nous réchauffer. Nos amis écossais, francophiles à leurs heures, nous ont réclamé des poèmes français. En apercevant la Grande-Ourse au-dessus de nos têtes, j’ai attrapé au vol un vieux souvenir de CM2…
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Extrait de « Ma Bohème » d’Arthur Rimbaud
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !
En réponse, Joey s’est mis à déclamer, avec son accent écossais si lyrique, une traduction d’un très long poème de Gorki. Puis plusieurs autres d’auteurs britanniques dont j’ai évidemment oublié les noms… Ils nous en a bouché un coin par sa mémoire impressionnante !! Et c’est donc sur cette note hautement lyrique et légèrement alcoolisée que nous avons achevé cette incroyable semaine dans la steppe. Nous nous sommes tous accordés à le dire : pas un instant nous n’avions imaginé que la Mongolie nous séduirait autant… J’ai promis à Tsogo de revenir, et je compte bien tenir ma promesse !
À moi la Chine !!!
J’ai commencé à écrire cet article dans le train, mais c’est de Pékin que je le publie. Me voilà donc partie pour un mois en Chine… Dont je vous dirai bientôt plein de nouvelles. Spoiler : demain soir, tous les participants du tour en Mongolie se retrouvent pour un hot pot et un karaoké de folie, à Pékin même !!
PS : un chat se cache dans cet article. Saurez-vous le retrouver ? 😉 Une carte postale pour le premier qui me le désigne en commentaire !
Mais quel expédition des plus dépaysantes! Ta narration détaillée et au ton léger nous plonge totalement dans les sensations qui ont été les tiennes… Je t’imagine tout à fait, transit de froid, à chercher ton chemin de nuit pour les « toilettes » dans l’obscurité totale, avec pour guide les étoiles d’un ciel à perte de vue.
Une bouffée d’air (frais apparemment), MERCI!
Bon chemin à Pékin, gros bisous.
PS: n’ai pas trouvé le chat.
Haha il était bien caché le petit coquin 😉 gros bisous Clém, ravie de t’avoir aéré les mirettes !
J ai remonté toutes les photos une à une pour trouver le matou, je ne voyais rien, frissonnant déjà : ‘j’espère qu’il n’est pas dans la marmite ! ?’Et le voilà sur le toit de la yourte (du ger donc)sur la photo titre de l’article : )
J’ai adoré cette partie frissonnante à tous points de vue. Mention spéciale à l’expédition nocturne aux toilettes au fond du jardin !!! Les photos sont superbes.merci Nounette de prendre le temps de nous embarquer dans tes aventures mongoles.on est accro.bisous
Brava, nous avons notre grande gagnante ! ^^ Et une carte postale pour la dame, une !
Quelle épopée, tu la racontes très bien 🙂 Je t’imagine très bien de mode « rasta rocket » dans ta petite tente haha. Ces paysages magnifiques et ces grands espaces me donnent très envie de découvrir la Mongolie (où, devrais-je dire, me donnent ENCORE plus envie qu’avant).
J’y retournerai très volontiers avec toi ma poule 😉 le pays est IMMENSE, j’en ai même pas vu un 10ème !