Bonjour chers Radis ! Aujourd’hui, je vous raconte les trois jours que j’ai passés auprès des potiers de l’île de Kyushu, au sud du Japon. Les petites villes d’Arita, Imari et Karatsu forment un triangle au nord-ouest de l’île, où je me suis plongée dans l’histoire de la céramique japonaise. Pour moi qui ai grandi à l’arrière d’une poterie, c’était un vrai plaisir de retrouver un environnement aussi familier ! Sans compter que je suis moi-même une acheteuse de poterie invétérée 😉 Pour tous les amoureux d’artisanat et de culture japonaise, voici donc un nouveau détour hors des sentiers battus du Japon. J’espère que vous vous régalerez autant que moi !
Arita, ville de naissance de la porcelaine japonaise
Après avoir passé presque tout le mois de juin sur l’île de Kyushu, j’ai décidé de terminer mon séjour par un petit « périple céramiste ». Comme je remontais du sud de l’île, j’ai commencé par passer une journée à Arita, petite bourgade nichée au milieu des montagnes. J’y ai trouvé une multitude d’ateliers-boutiques de porcelaine, car Arita n’est autre que le lieu de naissance de la porcelaine japonaise !
« Arita yaki », un art perfectionné depuis plus de 300 ans
C’est donc à Arita qu’ont eu lieu les premières cuissons de porcelaine japonaise, au tout début du XVIIe siècle. J’ai découvert que la technique a été importée de Chine et de Corée, où on l’utilisait déjà depuis des siècles. Mais avec l’effondrement de la dynastie Ming en Chine, la production chinoise de porcelaine était en berne… Il fallait donc trouver un moyen de continuer à fournir les monarques européens, si friands de « chinoiseries ». Cela tombait à pic car le Japon, après 150 ans de fermeture totale à l’extérieur, se rouvrait enfin aux échanges ! C’est ainsi que la région d’Arita s’est mise à produire en masse des trésors qui, transportés par des navires hollandais, finiraient sur les tables de Versailles, Saint-Pétersbourg ou Vienne…
Une demi-journée, le format parfait pour explorer Arita
Arita n’est guère plus qu’un gros village et se visite très bien sur une demi-journée. Pour ma part, j’ai laissé mon sac à la consigne de la gare et, après m’être munie d’une carte gratuite à l’office du tourisme, suis partie explorer les environs à pied. C’était une promenade très agréable, entre des maisons anciennes se découpant sur le vert intense des montagnes.
En remontant la rue principale, j’ai admiré les nombreuses boutiques de porcelaine, étonnée par la variété des styles. Même si la tradition de la porcelaine d’Arita est bien préservée, de nombreux céramistes font en effet preuve d’une grande créativité. En plus, il y en avait pour tous les prix… Certains vases se chiffraient à plusieurs milliers d’euros, tandis que j’ai pu me faire plaisir avec quelques dizaines à peine 😉
Certaines fabriques, comme la Kôransha, proposent une exposition de porcelaines d’Arita anciennes à l’arrière de leur boutique. C’est là que j’ai pris en photo le magnifique dragon qui sert de bannière à cet article : il s’agissait du motif principal d’un plat géant datant de la fin du XIXe siècle. Et pour ceux qui veulent en voir plus, il y a aussi le grand musée municipal gratuit, assez agréable et situé non loin de la gare.
Imari, plaque tournante des céramiques de Kyushu
Une base parfaite pour voir les potiers de la région
Après avoir passé une demi-journée à visiter Arita, c’est à Imari que j’ai décidé de déposer mes valises pour les deux nuits de mon « séjour potier ». En effet, cette ville un peu plus grande présente divers aspects pratiques, tels que des supermarchés et une gare bien desservie. Le centre d’Imari lui-même n’est pas très joli, mais on y retrouve de beaux témoignages de son passé de port d’exportation de céramiques. Et surtout, à sa périphérie se trouve l’adorable village potier d’Okawachiyama, à ne surtout pas rater !
Balade dans le centre-ville d’Imari
Avant de visiter le village potier voisin, j’ai commencé par explorer le petit centre-ville d’Imari. Bien qu’il ait peu de charme, on y retrouve plusieurs attractions intéressantes : diverses sculptures en porcelaine, notamment sur les ponts de la ville, le bien-nommé sanctuaire d’Imari au bord de la rivière, et surtout deux petits musées gratuits.
Au musée Marukoma, une ancienne maison de marchands de poterie, j’ai pu découvrir l’architecture traditionnelle d’Imari au XVIIIe siècle. La petite mamie qui gardait les lieux s’est fait un plaisir de me faire la visite guidée des trois jolies pièces ! Elle m’a même montré le tiroir spécial où les clients de passage devaient ranger leur katana (sabre japonais). Il y avait très peu de monde en ville à cause du coronavirus, et elle était tellement contente de me voir qu’elle m’a même donné un bonbon au caramel 😉 Trop mignonne !
Initiation au décor sur porcelaine au musée de la « route maritime de la soie »
Le musée de la « route maritime de la soie », dans la petite maison attenante, était encore plus intéressant. Son nom fait référence au parcours des bateaux qui, chargés de porcelaines, partaient de Kyushu pour rejoindre l’Europe via l’Indonésie et le cap de Bonne-Espérance. Dans ce petit musée gratuit, j’ai trouvé une boutique (bien sûr !), une petite collection de belles poteries d’Imari anciennes, et surtout… un atelier où un très gentil monsieur m’a aussitôt proposé de m’essayer au décor sur porcelaine !
Okawachiyama : « le village des fours secrets »
J’ai beaucoup aimé ma petite initiation gratuite, mais ce qu’il ne faut absolument pas rater à Imari, c’est le village voisin d’Okawachiyama… Il est situé à seulement quinze minutes en bus de la gare d’Imari et il ne faut surtout pas passer à côté. En effet, j’ai eu un GROS coup de cœur pour cet adorable village potier ! Tout m’y a charmée : le paysage verdoyant, les petites maisons anciennes groupées le long des deux rues en pente, les ponts couverts de mosaïques et, surtout, l’atmosphère cristalline de ce vallon.
Un paradis pour les amateurs de porcelaine
Je me suis fait un régal absolu à visiter, sans exception, toute la vingtaine d’ateliers-boutiques du village. Là encore, j’ai senti que la tradition était présente mais, en même temps, que tous les ateliers avaient leur propre style et leur personnalité. On allait des céladons bleu-vert, délicatement transparents, aux motifs complexes de fleurs ouvragées, en passant par des vagues bleues répétées à l’infini… Et même des motifs de radis 😉 Je peux vous dire que je n’ai pas hésité : j’ai décidé d’envoyer un colis en France et je me suis fait plaisir !
Karatsu : la sobriété du grès
À Karatsu, troisième et dernière étape de mon périple au pays des potiers de Kyushu, plus question de fines porcelaines venues de Corée. En me promenant dans les petites rues de la ville, j’ai retrouvé un style d’une frugalité toute japonaise : des étals de pots en grès bruns, la plupart tordus et grumeleux, à mille lieues des pivoines écarlates d’Arita.
Le rendez-vous des amateurs de cérémonie du thé japonaise
Je me suis donc retrouvée face à un style de céramique radicalement différent et, finalement, plus japonais… Les poteries de Karatsu sont très appréciées pour la cérémonie du thé car elles correspondent à l’esthétique wabi-sabi, qui célèbre la sobriété. Ainsi, les amateurs du genre sont prêts à dépenser de larges sommes pour acquérir des pièces où chaque craquelure, bosse ou trace de brûlure est considérée comme un trésor, offert par le hasard.
Allez, je vous fais un aveu, juste entre nous… J’ai beau m’intéresser à la poterie, et même comprendre en théorie la philosophie du « wabi-sabi »… À Karatsu, j’ai trouvé la plupart des pièces assez laides ! Franchement, des fois, j’avais l’impression que les potiers poussaient un peu trop loin le concept de « ratage sublime ». Parfois, une assiette marron voilée, c’est juste moche xD
En fait, l’attrait de Karatsu ne réside pas dans ses poteries !
Bien que l’histoire de Karatsu soit très liée à celle de la céramique japonaise, les amateurs de poterie risquent d’y être déçus. En effet, il n’y a pas tellement de boutiques en ville et, en plus, c’est un style qui ne fait pas forcément l’unanimité… Heureusement, Karatsu a d’autres choses à offrir et vaut donc bien une petite journée de visite.
Décidément, Kyushu regorge de trésors cachés…
Comme je vous l’expliquais la semaine dernière dans mon article sur Sakurajima, cette année je voulais explorer de nouveaux recoins de l’île de Kyushu. Je suis ravie de ma tournée des potiers, et en particulier de la porcelaine d’Arita et Imari ! Et même si je reste sceptique face au grès déformé de Karatsu, j’ai beaucoup apprécié la ville en elle-même… Je recommande donc chaudement ce parcours ! Surtout si, comme moi, vous avez toujours rêvé de vous acheter une dînette japonaise 😉 Est-ce que c’est aussi le cas pour certains d’entre vous ?
Ouuh que c’est beau que c’est beau !!! Des dragons grincheux, des coqs, le petit lapin qui gambade sur la clochette, le Tatsu roux qui surveille la boutique ! En lisant ton article j’avais des odeurs de terre, d’eau et de poussière plein le nez, comme à la maison !
Hahaha, décidément, sans que je le fasse exprès il y a toujours plein d’animaux qui se glissent dans mes articles !
À lire ton commentaire, ça me rappelle que je ne suis pas la seule à être mordue de poterie… Et t’as raison, les odeurs !!! ça fait tout bizarre d’être à 10 000 km de chez soi et, d’un coup, de retrouver les senteurs ultra-familières de l’atelier ^^
Au fait, toi qui t’y connais en céramique, t’as pas un petit guess pour le prix du bol à matcha en grès de Karatsu ? 😉
coucou marion ouf je peux enfin correspondre avec toi car j’ai ma tablette! sinon j’ai toujours suivi,par differents moyens ton merveilleux voyage. De gros bisous de mamie
Oh que j’en suis ravie !! Merci pour tous tes encouragements <3 <3 <3
Ah quel magnifique article !
Et des belles photos, mais dis donc fillotte, tout cela est fort bien documenté…on sent que tu n’es point tombée de la dernier cuisson.
Que du beau rêve et pourtant bien réel…Oh la belle cloche bleue a vague, je l’entend d’ici.
De belles émotions comme je men doutais bien dans ce passage chez les potiers.
Je fais suivre à mes potessses potier(e)s
Hihi, je savais que des potiers allaient me lire donc j’avais la pression pour ne pas dire n’importe quoi 😉
J’ai beaucoup pensé à toi bien sûr, et au fait que j’aurais aimé que tu profites de tout ça avec moi…
Trésor national vivant ….ce doit être cher…le chiffre270 euros me vient en tête …?
En tout cas moi j’aime bien le style brut et déformé de Karatsu
Bien essayé, mais c’est beeeeeaucoup plus cher !
Peut-être que tu aimes bien parce que j’ai mis un bol que moi aussi je trouve beau 😉 Je t’assure, la plupart, on les considérerait comme des croûtes…
Aaaaaaah ?…je décuple la mise ..2700 € ?…qui dit mieux ?
Tu te rapproches ! C’est à peine moins… 2000 €, en fait.
De quoi se payer un beau voyage au Japon, quoi 😉
Tu laisses pas trainer ton bol au fond de l’évier de la coloc…😄
Mais quelles belles photos ! J’aime particuièrement celle avec le chat à moitié endormi au milieu de la boutique, sehr sehr le pittoresque huhu. Je trouve ça assez risqué, connaissant la tendance des chats pour renverser tout ce qu’ils touchent… 😛
En tout cas, j’adore toutes ces « chinoiseries » potières, comme tu dis 😉 Je rêve secrètement d’avoir un service à thé en véritable porcelaine japonaise… Mais s’il faut dépenser plusieurs centaines d’euros pour de la poterie de Karatsu (j’ai visé juste ?), ça va être compliqué 😉
Gros bisous ma belle <3 <3
C’est rigolo que tu parles du chat, parce que les nôtres ont toujours adoré faire la sieste entre les pots de la boutique… Et en plus de vingt ans, ils n’ont jamais rien cassé !! Contrairement à nous, notamment quand on avait décidé d’amener nos tracteurs à pédales dans le magasin xD
Bien vu pour le bol de Karatsu, mais c’est même plus que quelques centaines car il vaut environ 2000€ !!!! Je te rassure, on peut se payer un très beau service pour moins de 100€ si on se débrouille bien 😉
Merci pour cet article qui nous a fait voyager !
On a une petite sélection de porcelaine Imari en vente sur notre site Antikeo, mais c’est une porcelaine ancienne.
Alors c’est toujours un plaisir de voir que la tradition parcourt les siècles et reste encore bien actuelle !
Je suis particulièrement fan des petites clochettes qui semblent pourtant si fragiles mais qui ont l’air de résister aux tumultes du vent 🙂
Merci pour ce commentaire ! Oui, les petites clochettes résistaient bien en effet 🙂 et le son était vraiment clair, très vivant, comme des tasses qui s’entrechoquent…
Comme quoi…
Une simple recherche de dosage de nigari pour la recette du tofu mène à une belle découverte que ce blog !
Merci pour ce partage
Bonjour Dame Olina. J’en suis ravie !! C’est toujours un bonheur de rencontrer (virtuellement, mais par les temps qui courent…) de nouveaux lecteurs 🙂