La cérémonie du thé chinoise, ou gong fu cha, est encore méconnue en France. D’ailleurs, il existe très peu de salons de thé qui permettent d’y assister. J’ai pourtant eu le plaisir de découvrir cet art il y a quelques années grâce à ma Sœurette, férue de thé ^^ Et maintenant que j’ai mon propre service à gong fu cha, je me fais plaisir ! Je parie que, comme moi, vous serez surpris de découvrir comment on prépare le thé à la chinoise...
Secret n°1 : le gong fu cha n’a rien à voir avec la cérémonie du thé japonaise
Commençons par une petite clarification : souvent, on confond la cérémonie du thé chinoise (gong fu cha) avec la cérémonie du thé japonaise (cha no yu). A part le fait qu’on retrouve à chaque fois le mot « cha », qui signifie « thé » dans les deux langues, elles n’ont vraiment rien en commun.
En effet, dans la cérémonie japonaise, on prépare du thé matcha en poudre dans de gros bols en grès. Le terme « cérémonie » est bien choisi, car ce processus a été développé par un moine bouddhiste et s’apparente à une méditation zen. Chaque geste a une signification spirituelle, comme je vous l’expliquais d’ailleurs sur mon ancien blog consacré au Japon. Le résultat est une mousse vert flashy, très amère et… pas toujours appréciée des Occidentaux 😉
Le gong fu cha chinois est très différent car il s’agit de faire infuser des feuilles de thé, et non de la poudre, dans un service qui ne ressemble pas du tout aux ustensiles utilisés par les japonais.
Secret n°2 : les tasses contiennent à peine 3 cl
Et le service en question est une des grandes raisons pour lesquelles J’ADORE le gong fu cha… Parce que c’est comme jouer à la dînette <3 (indubitablement mon jeu préféré quand j’étais petite). On fait infuser les feuilles de thé dans une minuscule théière de 18 cl, avant de verser le thé dans de toutes petites « tasses à sentir », et enfin dans de microscopiques « tasses à boire » d’à peine 3 cl.
C’est bien simple : mon service complet, composé d’une théière, de deux tasses à sentir et de deux tasses à boire, tient dans un coffret de 8 cm3 !! Je ne vous raconte pas le bonheur que j’éprouve à verser l’eau dans la mini-théière, puis dans les adorables petites tasses… J’ai l’impression de jouer à la dînette avec mon nounours.
Secret n°3 : avant de boire le thé, on respire dans la « tasse à sentir »
Vous vous demandez ce que c’est que cette histoire de « tasse à sentir » ? Eh bien, quand on sert le thé aux participants du gong fu cha, on commence par le verser dans de petites tasses hautes, toutes en longueur. Ce sont les fameuses « tasses à sentir ». Ensuite, on pose la tasse à boire, plus large, à l’envers sur la tasse à sentir. Puis on retourne le tout d’un coup, avant de retirer délicatement la tasse haute. J’adore ce moment : il y a un petit appel d’air qui se crée et le thé s’écoule de la tasse à sentir dans la tasse à boire avec un petit glouglouglou.
C’est alors qu’on porte la tasse à sentir vide à son nez et qu’on inspire profondément la vapeur qui s’en échappe. C’est fou, on ne se doute pas de la complexité aromatique du thé ! Cette technique permet vraiment de faire ressortir tous les arômes. Avant même de tremper les lèvres, on se régale déjà… Une fois qu’on a bien senti, on se saisit de la tasse à boire et on déguste enfin le « nectar » (ou thé infusé). Hhhmmmmmm.
Secret n°4 : on utilise une théière spécifique pour chaque thé
En Chine, on considère qu’il existe six couleurs de thé différentes : vert, blanc, jaune, bleu (oolong), noir et sombre (fermenté). Toutes ces variétés sont produites à partir de la même plante, le camelia sinensis. La couleur dépend donc des feuilles cueillies, mais surtout de la façon dont elles sont traitées après récolte. Cela détermine notamment leur degré d’oxydation. Le thé vert, par exemple, n’est pas du tout oxydé, alors que le thé noir est oxydé à 100 %.
Dans le gong fu cha, on prépare le plus souvent des thés oolong, qui sont partiellement oxydés (entre 10 et 70 %). Plus le thé est oxydé, plus il a une couleur brune. Moins il est oxydé, plus son parfum est léger et délicat, et donc fragile.
Or, dans le gong fu cha on utilise généralement des théières en terre cuite de Yi Xing, qui ont la particularité d’être poreuses. Chaque théière doit être « culottée » au fil des cérémonies : après plusieurs années, elle aura absorbé les parfums du thé. C’est pourquoi il n’est pas question d’utiliser la même théière pour les thés très oxydés et ceux plus légers. Les arômes subtils de ces derniers en seraient dénaturés ! Quand on est vraiment amateur de thé, on doit donc posséder une théière pour chaque type de thé.
Secret n°5 : il faut toujours rincer le thé avant de le faire infuser
Oui, ça paraît dingue quand on pense à tout le mal qu’on se donne pour préserver les arômes du thé… Mais il faut toujours commencer par passer les feuilles à l’eau chaude, juste avant de les faire infuser. Cela permet à la fois de rincer, réhydrater et réchauffer le thé. Comme ça, il est prêt à donner le meilleur de lui-même quand on verse l’eau pour l’infusion !
J’aime beaucoup cette étape où on rince le thé, parce qu’on rince aussi tous les ustensiles avec cette eau à peine colorée : les tasses à sentir, les tasses à boire, le plateau en bois sur lequel se déroule la cérémonie. La vapeur commence à monter, tout se réchauffe et on commence à deviner les premiers arômes du thé.
Secret n°6 : l’eau déborde de partout, c’est la fête
Mais du coup, on met vraiment de l’eau partout ! Pendant la cérémonie, ça déborde en permanence : quand on rince tout au début, mais aussi quand on remplit la théière pour l’infusion. Il faut toujours la faire déborder un peu, pour que les bris de feuilles s’échappent. Et si jamais on trouve que la théière a l’air de se refroidir pendant l’infusion, paf, on lui balance encore de l’eau chaude dessus… C’est pour cette raison que les ustensiles sont posés sur un plateau en bois ajouré, afin que l’eau s’écoule dans un réservoir.
Lorsque j’ai fait ma toute première cérémonie du thé chinoise, je crois que c’est ça qui m’a le plus séduite. Il y a un côté poétique, purificateur même, à verser l’eau aussi abondamment et à tout rincer comme ça… C’est généreux, ça fait des glouglou suaves et de la vapeur parfumée. C’est un peu les thermes du thé, en fait ! Pour moi qui suis une geek des thermes, c’était bien-sûr une évidence d’apprécier le gong fu cha 😉
Secret n°7 : les bons thés peuvent être infusés une dizaine de fois !
Eh oui ! C’est généralement ce qui surprend le plus quand on découvre le gong fu cha : les thés oolong ne sont jamais infusés moins de trois ou quatre fois. On peut en infuser certains jusqu’à dix fois, voire plus. C’est pour ça qu’il ne faut pas paniquer quand on voit les minuscules tasses 😉 Au cours d’une cérémonie du thé chinoise, on boit généralement au moins trois tasses. On peut rester des heures à papoter en sirotant les infusions successives !
Le temps d’infusion, très court au début (30-50 s), se rallonge généralement à chaque nouvelle utilisation. Quand on achète du thé dans une bonne boutique, les différents temps d’infusion sont normalement inscrits sur le paquet. Comme ça, pas besoin d’être un expert pour se lancer, il suffit de suivre les indications !
Et voilà, j’espère que le gong fu cha n’a plus de secrets pour vous 😉 Est-ce que ça vous a donné envie de tester ? Moi, de vous en parler m’a donné encore plus hâte d’être en Chine ! J’y serai dans quatre mois, il me taaaaarde…
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Ooooh trop bien ce reportage qui mouille la théière…
On apprend plein de choses et ça fait envie!
On se fait une séance quand tu veux 🙂
C’est vrai que ça donne trop envie d’essayer !
Je crois que ça me plaît même plus que la cérémonie du thé japonaise. Je ne veux pas encombrer mon prochain studio avec de la vaisselle, mais une mini théière rentrerait facilement quelque part ^^
Deux questions :
Quelles sont tes habitudes pour bien conserver le théune fois ouvert ? Au frigo comme le café ?
Et combien de temps ça prend environ une cérémonie du thé chinoise où tu infuse dix fois ton thé ??
Ahaaa très bonnes questions… 😉
Pour la conservation du thé, effectivement c’est semblable au café : dans un récipient bien hermétique, au sec et au frais (frigo, pièce fraîche…). Et éviter à tout prix l’oxydation, donc privilégier l’inox par ex.
Pour le temps que ça prend : eh ben ça dure des plombes xD On peut facilement y passer tout l’aprem. L’idée c’est de prendre du bon temps, de papoter… Cette lenteur apporte d’ailleurs beaucoup de détente. Et bien-sûr, c’est pas interdit de se payer une petite brioche vapeur à la racine de lotus 😉 C’est pour ça que le terme « cérémonie » n’est pas forcément le plus adapté : il y a plein de traditions et des gestes rituels, mais ça reste un moment de loisir et de détente.
La première tasse humecte mes lèvres et mon gosier
La deuxième rompt ma solitude
La troisième fouille mes entrailles mises à nu
et y débusque mille volumes d’étranges idéogrammes
La quatrième suscite une légère sueur
— et tout le noir de ma vie se dissout à travers mes pores
A la cinquième tasse, je suis purifié
La sixième m’expédie au royaume des Immortels
La septième — ah, je ne saurais en absorber davantage !
Je sens seulement un souffle de vent frais gonfler mes manches.
Ah ! Laissez-moi chevaucher cette douce brise et m’envoler loin d’ici !
(Lu Tong, 790-835)
Rô c’te classe ! Amis poètes du jour, bonjour 🙂