Bonjour chers Radis 🙂 Avec la fin du confinement japonais, j’ai enfin repris la route pour me rendre à une destination dont je rêvais depuis des années : le mont Koya ! En effet, je viens de passer une magnifique semaine en amoureux sur la péninsule de Kii, au sud d’Osaka, et le mont Koya a été notre première étape dans cette région. Sur cette montagne sacrée hors des sentiers battus, nous avons dormi dans un paisible monastère bouddhiste. L’occasion pour nous de découvrir les rites du bouddhisme ésotérique et de nous initier à la méditation zen… Et surtout, de déguster la fameuse cuisine végétarienne que les moines du mont Koya pratiquent depuis plus de 1200 ans ! Retour sur les vingt-quatre heures les plus mystiques de mon année 😉

12h : premiers pas sur le mont Koya, haut-lieu du bouddhisme japonais

Carte du Japon avec l'emplacement du mont Koya, sur la péninsule de Kii, au sud d'Osaka.

Un mont sacré depuis plus de 1200 ans

Le mont Koya est vraiment un lieu hors du monde, lové au milieu des montagnes de la préfecture très rurale de Wakayama. Pour y accéder, nous avons pris un adorable petit train qui serpente entre d'étroits tunnels et des gorges couvertes d'une forêt aux allures de jungle. Puis nous avons grimpé les 500 derniers mètres de dénivelé à bord d'un funiculaire particulièrement abrupt. C'est ainsi que nous avons pu pénétrer dans ce lieu hautement sacré, peuplé de moines et interdit aux femmes jusqu'à la fin du XIXème siècle (bouh !).
Le mont Koya est vraiment un lieu hors du monde, lové au milieu des montagnes de la préfecture très rurale de Wakayama. Pour y accéder, nous avons pris un adorable petit train qui serpente entre d’étroits tunnels et des gorges couvertes d’une forêt aux allures de jungle. Puis nous avons grimpé les 500 derniers mètres de dénivelé à bord d’un funiculaire particulièrement abrupt. C’est ainsi que nous avons pu pénétrer dans ce lieu hautement sacré, peuplé de moines et interdit aux femmes jusqu’à la fin du XIXème siècle (bouh !).

Concrètement, le mont Koya est un petit village de montagne situé à 900 mètres d’altitude, où vivent plus de 1000 moines, répartis dans quelques 117 monastères. On y retrouve parmi les plus vieux temples bouddhistes et sanctuaires shintô du Japon. En effet, cet ensemble monastique a été fondé au IXème siècle par Kobo Daishi, l’une des plus grandes figures du bouddhisme japonais. Il y a établi le quartier général d’un de ses principaux courants : le bouddhisme shingon, ou « bouddhisme ésotérique ».

Le mont Koya, porte d’entrée des sentiers de pèlerinage du Kumano Kodô

Quelques-uns des nombreux temples et sanctuaires du mont Koya, tous classés au patrimoine mondial de l'humanité.
Quelques-uns des nombreux temples et sanctuaires du mont Koya, tous classés au patrimoine mondial de l’humanité.

Parmi les 117 monastères du mont Koya, une cinquantaine proposent d’héberger des visiteurs. A l’origine, ce service était destiné aux pèlerins venus de l’ouest ou du nord. Aux yeux de nombreux fidèles du bouddhisme shingon, le mont Koya marque en effet soit la fin, soit le début d’un pèlerinage. Pour ceux qui ont parcouru le pèlerinage des 88 temples de l’île voisine de Shikoku, il est ainsi traditionnel de terminer son périple par une visite au mont Koya, la plus sacrée de toutes les étapes.

Mais, pour ceux qui arrivaient jadis des anciennes capitales de Nara et Kyôto, il constitue la première étape d’un pèlerinage qui descend jusqu’à la côte sud-est de la péninsule de Kii. Aujourd’hui encore, de nombreux pèlerins empruntent les sentiers de randonnée du « Kumano Kodô » pour rejoindre un ensemble de trois sanctuaires ultra-sacrés, appelé « Kumano Sanzan ». Je vous en reparlerai d’ailleurs très bientôt, car ç’a été notre étape suivante sur la péninsule 😉

L'architecture particulière des bâtiments de bois du mont Koya, et notamment la forme des toits, témoignent de l'ancienneté de ce lieu de culte. Comme partout au Japon, la plupart des bâtiments ont brûlé plusieurs fois au cours des siècles, pour être ensuite reconstruits à l'identique.
L’architecture particulière des bâtiments de bois du mont Koya, et notamment la forme des toits, témoignent de l’ancienneté de ce lieu de culte. Comme partout au Japon, la plupart des bâtiments ont brûlé plusieurs fois au cours des siècles, pour être ensuite reconstruits à l’identique.

Le mont Koya au nord, les sanctuaires du Kumano Sanzan au sud et les sentiers de randonnée qui les relient sont tous classés par l’UNESCO. Ajoutez à cela les incroyables paysages de la péninsule de Kii, et je peux vous garantir que pendant une semaine on s’en est pris plein les mirettes ! Mais revenons à notre première journée au mont Koya…

13h : check-in et thé de bienvenue au monastère bouddhiste

Une belle chambre en demi-pension pour mon anniversaire 😉

Notre petite chambre privée avait une magnifique vue sur le jardin intérieur et les bâtiments en bois du monastère. À notre arrivée, nous nous sommes régalés à l'admirer tout en savourant un thé vert sencha et de petits gâteaux à la pâte de haricots rouges sucrée. Le lieu était baigné d'une paix profonde. On n'entendait que les nombreux oiseaux et, de temps à autre, le gong lent d'un temple voisin.
Notre petite chambre privée avait une magnifique vue sur le jardin intérieur et les bâtiments en bois du monastère. À notre arrivée, nous nous sommes régalés à l’admirer tout en savourant un thé vert sencha et de petits gâteaux à la pâte de haricots rouges sucrée. Le lieu était baigné d’une paix profonde. On n’entendait que les nombreux oiseaux et, de temps à autre, le gong lent d’un temple voisin.

J’en rêvais depuis des années, et j’ai enfin pu vivre cette expérience exceptionnelle : passer une nuit en demi-pension dans un monastère du mont Koya ! Grâce à des sous-sous reçus pour mon anniversaire, j’ai décidé de nous offrir l’un des hébergements les mieux notés. Nous avons ainsi payé environ 200 € la nuit pour deux, dîner et petit déjeuner compris. Autant vous dire que ce n’est pas mon budget habituel pour voyager au Japon… Mais une fois n’est pas coutume, et les bienfaiteurs en question se reconnaîtront 😉

Au monastère Eko-in, une véritable initiation aux valeurs du bouddhisme shingon

Le monastère Eko-in est vraiment un beau bâtiment ancien, tout en bois, tatamis et panneaux coulissants. Dans les grandes salles du rez-de-chaussée, on peut admirer de belles peintures traditionnelles sur les fusuma (portes coulissantes couvertes de papier).
Le monastère Eko-in est vraiment un beau bâtiment ancien, tout en bois, tatamis et panneaux coulissants. Dans les grandes salles du rez-de-chaussée, on peut admirer de belles peintures traditionnelles sur les fusuma (portes coulissantes couvertes de papier).

Mon choix s’est arrêté sur le monastère Eko-in, et je ne l’ai pas regretté. C’est un élégant bâtiment ancien tout en bois, un peu labyrinthique, construit autour d’un grand jardin intérieur. Nous y avons mangé de la très bonne cuisine végane traditionnelle et, surtout, nous avons apprécié leur démarche d’enseignement et de transmission. En effet, les moines ont veillé à ce que nous soyons accueillis par un jeune qui parlait anglais et qui a pu nous expliquer le fonctionnement du monastère. Puis nous avons trouvé dans notre chambre un fascicule détaillé en anglais, qui nous expliquait les grandes lignes du bouddhisme shingon, la signification de ses rites principaux et comment pratiquer la méditation zen. Il y avait même un recueil de poèmes et citations de Kobo Daishi, le fameux fondateur du mont Koya, que j’ai vraiment aimé lire en buvant mon thé !

14h : visite des temples et sanctuaires du mont Koya

Le mont Koya, « Mecque » du bouddhisme ésotérique

L'esthétique du bouddhisme shingon pratiqué au mont Koya a un côté flamboyant qu'on ne retrouve pas partout au Japon. Avec tout cet or et ces couleurs vives, je me croyais parfois revenue en Inde ou en Chine... Peut-être est-ce lié au fait que son fondateur, Kobo Daishi, a longtemps voyagé en Chine pour en rapporter les doctrines bouddhistes, elles-mêmes originaires d'Inde ?
L’esthétique du bouddhisme shingon pratiqué au mont Koya a un côté flamboyant qu’on ne retrouve pas partout au Japon. Avec tout cet or et ces couleurs vives, je me croyais parfois revenue en Inde ou en Chine Peut-être est-ce lié au fait que son fondateur, Kobo Daishi, a longtemps voyagé en Chine pour en rapporter les doctrines bouddhistes, elles-mêmes originaires d’Inde ?

Au mont Koya, il y a quatre attractions principales : visiter les temples et sanctuaires, dormir dans des monastères, randonner et visiter le cimetière forestier « Oku-no-in ». Par manque de temps, nous avons tout fait sauf, à mon grand regret, randonner… Cependant, nous avons passé l’après-midi à explorer les magnifiques temples et sanctuaires classés à l’UNESCO. Et ce n’est qu’au soir, après un bon repas végane servi par les moines, que nous avons visité le fameux cimetière Oku-no-in, à la lueur des lanternes…

Un mélange de temples et de sanctuaires shintô : quand le bouddhisme épouse la foi japonaise

Le bouddhisme est arrivé au Japon depuis la Chine, qui elle-même le tenait de l’Inde, mais cette religion importée a toujours bien cohabité avec les divinités locales. La foi indigène de l’archipel, le shintô, vénère de nombreuses divinités liées à la nature, comme les arbres, animaux, rivières ou montagnes. Les deux religions se sont tout naturellement mélangées en un syncrétisme unique et propre au Japon.

Dans l'immense pagode "Konpon Daito", édifice emblématique du mont Koya, j'ai retrouvé une esthétique qui me rappelait fortement l'Inde et les origines du bouddhisme. Cinq bouddhas dorés y priaient doucement pour la rédemption des humains, au milieu de l'odeur d'encens et de magnifiques peintures murales. Celles-ci représentaient d'autres bouddhas ou de célèbres moines japonais, mais aussi de nombreux éléments de la nature renvoyant à la foi shintô locale : paons, grues, canards, pins, lotus, camélias et autres roses trémières.
Dans l’immense pagode « Konpon Daito », édifice emblématique du mont Koya, j’ai retrouvé une esthétique qui me rappelait fortement l’Inde et les origines du bouddhisme. Cinq bouddhas dorés y priaient doucement pour la rédemption des humains, au milieu de l’odeur d’encens et de magnifiques peintures murales. Celles-ci représentaient d’autres bouddhas ou de célèbres moines japonais, mais aussi de nombreux éléments de la nature renvoyant à la foi shintô locale : paons, grues, canards, pins, lotus, camélias et autres roses trémières.

Nous nous sommes donc régalés à visiter à la fois des temples bouddhistes et des sanctuaires shintô, dans une ambiance exceptionnellement paisible. Coronavirus oblige, il n’y avait pas un chat… Nous avions les pavillons et pagodes pour nous tous seuls !

On reconnaît facilement les bâtiments bouddhistes et shintô à leur architecture et à l'utilisation de couleurs bien différentes. En principe, les temples bouddhistes sont en bois sombre, et les sanctuaires shintô peints de couleurs vives : jaune, vert et surtout vermillon.
On reconnaît facilement les bâtiments bouddhistes et shintô à leur architecture et à l’utilisation de couleurs bien différentes. En principe, les temples bouddhistes sont en bois sombre, et les sanctuaires shintô peints de couleurs vives : jaune, vert et surtout vermillon.

16h30 : initiation à la méditation zen « ajikan »

Après avoir visité la grande pagode et ses petites voisines, nous sommes vite retournés au monastère pour la séance quotidienne de méditation. On nous a indiqué la grande salle du temple adjacent au monastère, où nous nous sommes installés sur de petits coussins ronds posés à même les tatamis. Un jeune moine courageux, muni d’un feuillet bilingue, s’est efforcé de nous expliquer en anglais les rudiments de la méditation « ajikan ».

Cette méditation constitue la première étape prescrite par le bouddhisme shingon pour l'apprentissage de la méditation zen. On médite face à une représentation de la première lettre de l'alphabet sanskrit, qui n'est autre que le "a".
(oui, je vous confirme que le sanskrit vient bien d'Inde et non pas du Japon... Mais c'est logique, puisque le bouddhisme est originaire d'Inde)
Cette méditation constitue la première étape prescrite par le bouddhisme shingon pour l’apprentissage de la méditation zen. On médite face à une représentation de la première lettre de l’alphabet sanskrit, qui n’est autre que le « a ».
(oui, je vous confirme que le sanskrit vient bien d’Inde et non pas du Japon… Mais c’est logique, puisque le bouddhisme est originaire d’Inde !)

La pleine lune et le lotus comme inspiration

La lettre « a » est tracée sur une image de pleine lune qui, selon Kobo Daishi, représente l’état clair et pur de notre véritable esprit. Par la pratique de la méditation, on cherche à éclaircir son esprit, obscurci comme la lune quand elle ne se montre pas dans son entier. En outre, cette lettre surmonte une fleur de lotus, très présente dans le bouddhisme. Celle-ci représente en effet la capacité de notre esprit à s’élever pur et gracieux à la surface de l’eau, même si ses tiges sont plantées dans la boue sombre d’une vie difficile.

La respiration comme ancrage à la méditation

Que devions-nous faire exactement ? Eh bien, nous nous sommes assis en tailleur sur les petits coussins ronds, la jambe droite repliée sur la gauche. Puis nous avons posé nos mains sur nos jambes, paumes vers le ciel, la main droite sur la main gauche. Assis bien droits mais détendus face à l’image ajikan, nous avons à demi fermé les yeux et tout simplement écouté et ressenti notre propre respiration. Pour ne pas nous laisser trop distraire par nos pensées, nous avons compté nos expirations dans notre tête : un, deux, trois, quatre… Quand nous arrivions à dix, nous recommencions à compter depuis le un.

Nous avons ainsi médité pendant une vingtaine de minutes, dans le seul bruissement du vent et des chants d’oiseaux. Sans essayer de penser à quoi que ce soit, en sentant juste que nous étions vivants et pleinement présents en ce lieu et cet instant. Un grand moment de paix, qui nous a permis de clarifier notre esprit, mais aussi d’aiguiser nos sens et notre attention. En sortant du temple, le jardin nous paraissait encore plus beau, les odeurs de plantes et les chants d’oiseaux nous parvenaient plus nettement. Et ça tombait très bien, car nous nous apprêtions à manger en pleine conscience un dîner aux mille saveurs subtiles…

17h30 : c’est l’heure du dîner végétarien servi par les moines !

Eh oui ! Au monastère, l’heure du dîner sonne très tôt. De manière générale, les Japonais mangent plus tôt que les Français, puisqu’ils commencent à dîner à partir de 18h. Mais 17h30, même pour le Japon, ça reste quand même tôt… 😉 C’est donc dans notre chambre baignée d’un soleil jaune de fin d’après-midi que nous avons pour la première fois goûté à la « shôjin ryôri ».

Shôjin ryôri : la cuisine végétarienne des moines japonais

Le tofu, sorte de fromage de lait de soja riche en protéines et très présent dans la cuisine japonaise, est évidemment un des ingrédients phares de la shôjin ryôri.
Le tofu, sorte de fromage de lait de soja riche en protéines et très présent dans la cuisine japonaise, est évidemment un des ingrédients phares de la shôjin ryôri.

Dès la fondation du mont Koya au IXème siècle, Kobo Daishi a décidé qu’on n’y servirait que des repas végétariens. En effet, selon le principe de non-violence, les moines bouddhistes ont interdiction formelle de tuer ou consommer des animaux. Et comme nous nous trouvons dans les montagnes du sud-ouest du Japon, où il n’y avait historiquement pas une goutte de lait, ces moines sont devenus de facto véganes. C’est-à-dire qu’ils consomment et servent à leurs hôtes une cuisine 100 % végétale, appelée « shôjin ryôri ». Nous avions vraiment hâte d’y goûter, d’autant plus que mon chéri est végétarien et que les occasions de manger sans viande et sans poisson sont très rares au Japon…

Notre dîner végane de fin de printemps

Deux jeunes moines nous ont servi le dîner directement dans notre chambre, comme cela se fait le plus souvent dans les auberges japonaises traditionnelles. Sur deux jolis plateaux de laque rouge, nous avions chacun un assortiment de sept petits plats végétariens, élaborés à partir de produits de saison. À ceux-ci s’ajoutaient les incontournables d’un menu japonais traditionnel : riz blanc, thé, légumes en saumure et soupe miso.

Plateau de gauche : gomadofu à la sauce soja, tempura (beignets) de légumes, tofu mariné et algues wakame servis dans une gelée aigre-douce au vinaigre de riz (un délice !), pickles de daïkon et de sansai, bouillon de champignons shiitake au negi.
Plateau de droite : nouilles glacées à tremper dans un bouillon dashi végétarien, légumes verts mijotés, tofu frit à la pomme de terre gluante et fruits en dessert.
Plateau de gauche : gomadofu à la sauce soja, tempura (beignets) de légumes, tofu mariné et algues wakame servis dans une gelée aigre-douce au vinaigre de riz (un délice !), pickles de daïkon et de sansai, bouillon de champignons shiitake au negi.
Plateau de droite : nouilles glacées à tremper dans un bouillon dashi végétarien, légumes verts mijotés, tofu frit à la pomme de terre gluante et fruits en dessert.
Le gomadofu, ou "tofu de sésame", est probablement le produit le plus connu du mont Koya. Il s'agit d'un faux tofu sans soja, constitué de poudre de sésame très fine, mélangée à une racine locale coagulante. Ce procédé donne au gomadofu une texture riche et fondante absolument unique qui, avec le bon petit goût de sésame, nous a tout de suite conquis. Comme vous le voyez, notre gomadofu était servi avec une pointe de wasabi et de la sauce soja.
Le gomadofu, ou « tofu de sésame », est probablement le produit le plus connu du mont Koya. Il s’agit d’un faux tofu sans soja, constitué de poudre de sésame très fine, mélangée à une racine locale coagulante. Ce procédé donne au gomadofu une texture riche et fondante absolument unique qui, avec le bon petit goût de sésame, nous a tout de suite conquis. Comme vous le voyez, notre gomadofu était servi avec une pointe de wasabi et de la sauce soja.
Il y avait également des nouilles de blé, appelées "somen", servies glacées pour s'accorder aux chaleurs de cette fin de printemps. Le gros glaçon posé sur le côté n'avait rien de fantasque, car c'est une pratique courante au Japon ! Pour parachever la fraîcheur du plat, les cuisiniers avaient ajouté une mousse de gingembre cru et quelques pousses de daïkon au goût poivré.
Il y avait également des nouilles de blé, appelées « somen », servies glacées pour s’accorder aux chaleurs de cette fin de printemps. Le gros glaçon posé sur le côté n’avait rien de fantasque, car c’est une pratique courante au Japon ! Pour parachever la fraîcheur du plat, les cuisiniers avaient ajouté une mousse de gingembre cru et quelques pousses de daïkon au goût poivré.

19h30 : Visite de nuit de l’Oku-no-in, le plus mystique des cimetières japonais

200 000 tombes moussues dans une forêt de cèdres multicentenaires

L'Oku-no-in est un grand cimetière bouddhiste très ancien, où plus de 200 000 tombes jalonnent un chemin de 2 km à travers la forêt. Ce qui fait le charme du lieu, ce sont les immenses cèdres dont la plupart ont entre 200 et 600 ans, ainsi que les tombes couvertes de mousse dont les plus vieilles ont environ 800 ans.
L’Oku-no-in est un grand cimetière bouddhiste très ancien, où plus de 200 000 tombes jalonnent un chemin de 2 km à travers la forêt. Ce qui fait le charme du lieu, ce sont les immenses cèdres dont la plupart ont entre 200 et 600 ans, ainsi que les tombes couvertes de mousse dont les plus vieilles ont environ 800 ans.

Après notre dîner végétarien, nous avons participé à une visite guidée organisée par notre monastère. Un peu chère (18 € par personne), mais très instructive… En effet, tous les soirs, le monastère Eko-in propose une visite en anglais d’une des principales attractions du mont Koya : le cimetière bouddhiste « Oku-no-in ». Sur le papier, le mot « cimetière » ne vend pas du rêve… Pourtant, c’est un des plus beaux lieux que j’aie visités au Japon ! Et surtout, un des plus singuliers.

C’est le jeune moine Shôken qui nous a fait faire la visite et, « grâce » à l’effet coronavirus, nous n’étions que deux visiteurs ! Nous avons donc eu droit à une visite privée, dans une ambiance d’autant plus mystique que le cimetière était presque désert. En l’espace d’une heure, nous avons lentement parcouru les deux kilomètres qui séparent le petit pont de l’entrée et le sanctuaire qui, tout au fond de la forêt, renferme le corps du fameux Kobo Daishi. Tout au long du chemin, Shôken partageait avec nous, dans son anglais approximatif, quelques-unes des nombreuses légendes liées à ce lieu mystique.

Une visite à Kobo Daishi, père du mont Koya, en « méditation éternelle » depuis 1200 ans

L'Oku-no-in est particulièrement beau à la tombée de la nuit, quand les centaines de lanternes qui bordent les sentiers s'allument. Entre les immenses cèdres centenaires, on entend seulement les craquements du vent et le cri rauque des écureuils volants (oui, oui).
L’Oku-no-in est particulièrement beau à la tombée de la nuit, quand les centaines de lanternes qui bordent les sentiers s’allument. Entre les immenses cèdres centenaires, on entend seulement les craquements du vent et le cri rauque des écureuils volants (oui, oui).

Au bout du sentier, on arrive devant un dernier pont qui marque l’entrée du sanctuaire où, selon la légende, Kobo Daishi est assis en méditation perpétuelle depuis le IXème siècle. En effet, les fidèles du bouddhisme shingon pensent que le fameux moine aurait ordonné à ses disciples de refermer sa tombe sur lui tandis qu’il méditait, et que depuis ce jour-là il y prie pour le bien-être de tous les êtres sur Terre.

Shôken nous a donc emmenés faire une petite visite à Kobo Daishi. Pour cela, nous avons dû nous « purifier » avant de passer le pont. À l’origine, il n’y avait pas de pont et les pèlerins qui atteignaient ce point le plus sacré du périple devaient se laver entièrement dans le torrent de montagne glacé. Aujourd’hui, une longue rangée de bouddhas de pierre bordés par de petites fontaines subissent ce traitement à notre place. Ainsi, Shôken nous a montré qu’il fallait choisir le bouddha que nous préférions et, à l’aide d’une petite louche, l’arroser à l’eau claire.

C’est ainsi que nous avons pu nous rendre au pied du sanctuaire de Kobo Daishi, entouré de statues de pierre et de lotus dorés. Le hall principal, un superbe bâtiment de bois, était entièrement ceint de lanternes en métal illuminées. Tandis que nous joignions les mains en signe de recueillement, Shôken a scandé pour nous un sutra guttural, dont les notes rythmées montaient dans la fumée d’encens et l’obscurité de la forêt.

20h30 : retour au monastère, bain chaud et… dodo !

Après cette visite marquante, nous sommes rentrés à pied à travers le cimetière silencieux, où le cri soudain d’une grenouille nous a fait faire un bond. Une fois rentrés à l’Eko-in, nous avons pris un bon bain chaud dans les bains publics du monastère, puis nous nous sommes écroulés sur nos futons. Ce n’était pas le moment de veiller, car un réveil plutôt matinal nous attendait…

6h30 : cérémonie bouddhiste matinale et rituel du feu « goma »

Rendre hommage aux ancêtres qui nous protègent

Le bâtiment principal du temple adjacent au monastère où nous avons passé la nuit. C'est là que, face aux statues de bouddhas et aux tablettes mortuaires, nous avons participé à la séance de méditation et à la cérémonie du matin.
Voici l’entrée du temple adjacent au monastère où nous avons passé la nuit. C’est là que, face aux statues de bouddhas et aux tablettes mortuaires, nous avons participé à la séance de méditation et à la cérémonie du matin.

Quand on séjourne dans un monastère du mont Koya, mieux vaut ne pas avoir peur de se lever tôt ! En effet, nous étions invités à participer à la cérémonie du matin dans le temple principal du monastère. À 6h30 pétantes, c’est le rituel qui marque le début de la journée en rendant hommage aux ancêtres qui veillent sur nous. Outre les cinq pensionnaires du monastère ce jour-là, il y avait quatre moines, qui se sont installés autour des statues de bouddhas placées au centre de la grande pièce.

Pendant une demi-heure, les moines ont récité des mantras à plusieurs voix, ponctuant ce chant vibrant de gongs et de coups de tambour. Le son montait et descendait, selon les temps de la cérémonie, et les bougies éclairaient les caractères noirs sur leurs livres de prières. Vers le milieu, ils nous ont invités à nous rendre chacun notre tour devant l’autel, afin de formuler une prière et de déposer une pincée d’encens sur un brasier incandescent. Puis, à la fin, nous sommes tous passés un à un devant les statues des trois bouddhas du temple pour nous incliner et les remercier de veiller sur nous. C’était la première fois que j’assistais à une cérémonie de ce type et j’ai trouvé ça aussi beau qu’intéressant.

Goma, le feu purificateur

Juste après la cérémonie, nous nous sommes rendus dans un temple beaucoup plus petit, juste à l’extérieur du monastère, pour y participer au rituel du feu goma. Ce rite typique du bouddhisme shingon, auquel j’avais déjà eu la chance d’assister à Nikkô, est un spectacle très marquant. À la fois esthétique, impressionnant et libérateur, il mobilise tous les sens. Nous étions en effet groupés dans un minuscule temple, autour d’un foyer central entouré de divers objets de culte dorés. Chacun d’entre nous avait apporté une baguette de bois spéciale, sur laquelle il avait écrit un souhait ou le nom d’une personne défunte pour laquelle il voulait prier.

Tandis que les moines reprenaient leurs chants rythmés par les vibrations du tambour, l’officiant en chef construisait patiemment un feu de buchettes de cèdre. Au début, ce n’étaient que quelques flammèches. Puis, à mesure que les flammes montaient, le rythme du tambour s’accélérait et les chants des moines se faisaient plus forts et plus rapides. La lumière crépitante éclairait les recoins du petit temple de bois sombre et nous sentions sur nos visages la chaleur des flammes.

Enfin, le prêtre a lu les prières inscrites sur nos baguettes et les a fait brûler sur ce bûcher d’un mètre de haut. Cela m’a procuré un sentiment purifiant et revigorant, comme si les flammes chaudes lavaient mon cœur. Puis, petit à petit, le chant des moines s’est apaisé tandis que le prêtre faisait lentement baisser le feu, jusqu’à l’éteindre complètement. Ne restait que la fumée âcre du cèdre et celle, douce, de l’encens. Quant à nous, à ce stade-là, nous étions à peu près réveillés.

7h30 : finie la grasse mat’, place au petit déj… toujours à la mode du mont Koya !

Même pour ceux qui auraient voulu sécher la cérémonie des ancêtres et le rituel du feu, à 7h30 il faut être debout… Car c'est l'heure du petit déjeuner ! Quand nous sommes revenus du rituel goma, nos futons avaient déjà été retirés et nos plateaux nous attendaient dans la chambre inondée de soleil matinal.
Même pour ceux qui auraient voulu sécher la cérémonie des ancêtres et le rituel du feu, à 7h30 il faut être debout… Car c’est l’heure du petit déjeuner ! Quand nous sommes revenus du rituel goma, nos futons avaient déjà été retirés et nos plateaux nous attendaient dans la chambre inondée de soleil matinal.
Au menu de ce petit-déjeuner, évidemment végétarien (et même végane !) : mikan (clémentine japonaise), tofu imbibé de bouillon sucré-salé, algues nori séchées (les mêmes que sur les sushis, dont on peut se servir pour envelopper le riz), umeboshi (prune salée au goût acidulé, qu'on utilise comme condiment pour accompagner le riz), algues hijiki mijotées, petite salade verte, riz, thé torréfié et soupe miso. Au top !!
Au menu de ce petit-déjeuner, évidemment végétarien (et même végane !) : mikan (clémentine japonaise), tofu imbibé de bouillon sucré-salé, algues nori séchées (les mêmes que sur les sushis, dont on peut se servir pour envelopper le riz), umeboshi (prune salée au goût acidulé, qu’on utilise comme condiment pour accompagner le riz), algues hijiki mijotées, petite salade verte, riz, thé torréfié et soupe miso. Au top !!

Et c’est avec ce petit-déjeuner, aussi royal qu’équilibré, que nous avons conclu nos vingt-quatre heures au mont Koya. Une visite aussi express qu’inoubliable ! Nous devions en effet nous dépêcher de redescendre prendre un bus, puis le funiculaire, puis deux trains, et enfin un autre bus, à destination du sud de la péninsule de Kii.

Le mont Koya, un lieu de paix absolue. Mais pour combien de temps ?

Pour nous, le mont Koya a été un gros coup de cœur. C’était singulier, c’était beau, c’était bon, c’était mystique et fascinant… Mais, je l’avoue, c’était aussi très cher. En fait, le mont Koya était une destination très confidentielle jusque récemment, mais qui se développe fortement depuis quelques années. Face à la fréquentation accrue, les prix ont donc beaucoup augmenté. Si on peut se le permettre, je pense cependant que c’est une étape qui vaut largement le détour et l’investissement. Si vous comptez vous y rendre, essayez juste d’y aller hors-saison, pour profiter comme nous de l’ambiance paisible et mystique des lieux !

Cet article a 10 commentaires

  1. Soeurette

    Ohlalalalalalalalala ça a l’air d’avoir été tellement formidable comme expérience… Et dire qu’on devait le faire ensemble T_T Je suis ravie pour vous deux et très très jalouse :p

    1. Marion

      Eh oui, j’ai beaucoup pensé à toi… Des fois j’essayais d’imaginer la réaction de Christophe devant le tofu de sésame servi à 17h30 xD
      À charge de revanche… Si c’est pas le mont Koya, on se fera un beau voyage en Inde du Sud 😉

  2. Chlo

    Merci pour ce bel article ! Ça a vraiment l’air d’avoir été une expérience incroyable, limite hors du temps et de l’espace… mystique même 😉 Je suis ravie que tu aies pu te l’offrir, et avec ton chéri en plus, c’est un super souvenir 🙂 Gros bisous ma chérie, hâte de lire la suite de tes aventures <3

    1. Marion

      Tu as très bien résumé : une bulle hors de tout ! J’y serais bien restée quelques semaines pour une petite retraite zen… La prochaine fois peut-être ^^

  3. criclecroque

    Ooooh trop trop trop bien et beau !
    QUELLE BELLE ECRITURE AUSSI DANS CET ARTICLE
    gros merci beaucoup pour cette précise et sensible et belle racontade
    Bravo bravo.

    1. Marion

      Oh, merci pour ces beaux compliments ! Ça ne m’étonne pas que le mont Koya t’inspire, je sais que tu aurais adoré cette expérience… J’ai bien pensé à toi aussi avec ce voyage aux racines du zen.
      Quant à l’écriture, je me rends compte à l’instant que j’ai dû me faire influencer par Christian Bobin, dont je viens de finir le livre xD

  4. Hildegard

    « Cela m’a procuré un sentiment purifiant et revigorant, comme si les flammes chaudes lavaient mon cœur. » Tout le texte de cette expérience et cette phrase en particulier …touchée
    Ton travail d’écriture, de relation, tes choix d’illustration, tout progresse avec ton voyage ,et je me régale

    1. Marion

      Merci beaucoup… Il faut dire que c’est difficile de ne pas être inspirée après une expérience marquante comme le mont Koya 😉

  5. Dame Olina

    Quel magnifique récit ! Je comprends que tu (je me permets le tutoiement) souhaites écrire, ta plume est belle, riche, fluide, agréable, c’est ce qui m’a séduite ici au départ. Peu de personnes écrivent correctement sur les blogs (orthographe, syntaxe…) , ça m’agace car cela me déconnecte du ressenti de la lecture et là, c’est comme de l’eau claire et cela m’a permis de vraiment rentrer dans tes expériences de voyages. Je continue donc ce parcours en remontant le temps au fil de tes articles. Et ce qui rajoute encore plus de plaisir : ces superbes photos et ce ton léger ! Merci pour tes partages et du coup, je m’abonne pour être au courant de la sortie de ton ouvrage quel qu’il soit…

    1. Marion

      Ooooh, mille mercis pour ce beau commentaire et ces magnifiques encouragements ! Je suis en plein dans la dernière ligne droite de mon manuscrit de roman, et ça me motive pour écrire les trois derniers chapitres 🙂
      Vraiment, merci pour ces beaux compliments, c’est super de savoir que mon travail d’écriture peut apporter du plaisir aux autres.
      Du coup, à bientôt pour la prochaine newsletter ^^

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